Accent sur Anne-France DAUTHEVILLE : la première femme à avoir traversé le monde à moto
Anne-France Dautheville est connue pour être la première femme à avoir parcouru le monde en solo, à moto. Ce qui est sûr, c’est que c’est la première à avoir retranscrit ses aventures en récits. Femme moto, la combinaison gagnante.
“Etre heureuse”, c’était la volonté première d’Anne-France en 1968 lorsqu’elle a acquis son premier deux roues. A l’origine conceptrice rédactrice en publicité, puis journaliste et écrivain, son souhait de découvrir le monde s’est considérablement accru au fil du temps.
Afin d’en savoir plus sur cette femme hors du commun, nous lui avons posé quelques questions sur son tour du monde en moto et sur ses multiples expériences.
Qu’est-ce qui vous a poussé dans votre passion pour la moto ?
“J’étais trop con pour avoir le permis voiture, alors j’ai acheté ma première moto sans permis, rue Montmartre, en 68. C’était une Honda 50cm2. Je suis ensuite partie seule pour mon premier voyage sur la côte d’Azur.”
Pourquoi votre souhait de toujours voyager seule ?
“Mon premier voyage à l’étranger a été mon premier Raid Orient. Et là, j’ai compris que j’étais faite pour voyager seule, et que j’avais même besoin d’être seule. Si j’étais partie avec quelqu’un, j’aurais porté trop d’attention à la personne qui m’aurait accompagné et ce n’était pas disponible pour les gens que je rencontrais.”
N’avez-vous jamais rencontré de problèmes en voyageant seule avec votre moto ?
“C’était facile ! Evidemment, il faut tenir la moto quand il y a une mauvaise piste, remonter dessus quand on s’est cassé la gueule. Enfin il y a une forme de caractère qui va avec ça aussi, Il faut être fait pour ça, être têtu.
Concernant la mécanique, moins on y touche et mieux ça vaut ! Quand j’avais un problème mécanique, j’attendais que passe une camionnette, je m’étais la moto dessus, et puis j’allais réparer un peu plus loin. Un exemple pendant mon tour du monde moto, quand je suis arrivée au Japon, les usines Kawazaki ont complètement revisité mon moteur, parce que je repartais vers l’Inde sur des routes peu simples. Ils ont complètement démonté et remonté le moteur et ont mis un clip de piston dans le mauvais sens. Après 250km en Inde, il s’est taillé entre le cylindre et le piston. Du coup, j’ai mis la moto sur le train, je l’ai ramené à New Delhi où il y avait une Ambassade Française, j’ai fait venir des pièces de France, on a remonté le moteur et puis point barre.”
Avez-vous connu des chutes mémorables pendant vos road trips moto ?
“Sur une photo du site de Chloé je suis assise sur une moto, dans le sable. Je suis tombée comme une folle pendant le raid Orient, sur une piste au nord du désert de sel en Iran. Et comme je ne pouvais pas remonter la moto toute seule (trop lourde), je me suis assise dessus et j’ai attendu. Un camion est arrivé, je l’ai arrêté, et j’ai fait comprendre aux hommes de ce dernier que j’étais tombé et que je voulais qu’on m’aide à remonter la moto. Ils sont descendu, ils ont vu que j’étais une femme et ils ont poussé un hurlement de terreur ! Ils sont tout de suite remontés dans le camion et sont repartis. Quand les suivants sont passés j’ai donc proposé qu’on fasse une photo !
Je suis tombé 7 fois pendant le raid Orient. Et être à côté de sa moto que l’on ne peut pas relever c’est se mettre en danger. Il faut toujours avoir une issue de secours.”
Quel est le meilleur moment que vous retenez de vos voyages à moto ?
“A Bamiyan en Afghanistan, pendant mon tour du monde, je suis monté sur la tête du Boudha. Toute la falaise où était le grand Boudha était en fait un monastère où vivaient des moines Boudhistes autrefois. A l’intérieur de la falaise, il y avait des escaliers, des loges où vivaient les moines, et des salles avec des fresques aux murs. Et tout en haut, sur la tête de Boudha, il y avait une sorte de terrasse. J’y suis monté au moment où le soleil descendait sur la vallée de Bamiyan. Et je crois que ça a été un des moments les plus beaux de ma vie, tellement c’était beau, tellement c’était paisible, tellement c’était loin. Ça, c’était magique.
En Amérique du Sud, il y a également eu des moments fabuleux, notamment à Cusco. Quand j’y suis arrivée, je me suis dit : ce n’est pas possible que moi j’ai le droit d’être là, c’était fabuleux. J’ai passé des moments magiques à me balader en France aussi, c’est un tellement beau pays. J’ai souvenir de la traversée de la forêt landaise, où c’était extraordinaire. Il y avait une lumière dans les arbres, c’était paisible, il n’y avait personne. J’ai vraiment besoin d’être seule.”
Continuez-vous de vous balader à moto et de voyager ?
“J’ai dû vendre ma moto au printemps dernier. J’ai eu un gros accident de voiture il y a 4 ans et j’ai eu mon bras explosé. C’est la première fois que j’avais des os cassés. J’ai gardé la moto en me disant que j’allais peut-être m’y remettre mais je ne m’y suis jamais remise. J’ai écrit un livre sur ma convalescence à l’hôpital d’Avicenne. C’était une réelle aventure pour moi, les patients et les soignants viennent de cultures différentes. Je considère ce récit comme un véritable livre de voyage. C’était magique qu’on arrive tous à s’entendre malgré nos disparités, et de justement trouver nos ressemblances. Cette expérience a repris mes émerveillements à motos d’une manière différente. C’est comme si la vie me donnait de nouvelles épreuves pour voir si j’avais compris les précédents enseignements de ma vie, notamment acquis par mes voyages.”
Si vous deviez faire un ultime voyage à moto, ça serait où ?
“J’adorerais faire l’Islande à moto, la Norvège ou la Finlande. Quand j’ai arrêté les grands voyages en 81, je me suis dit, les petits voyages c’est pour après. J’ai beaucoup fait de petits voyages en étant journaliste mais je n’avais pas d’argent. Et pour monter dans les pays du nord, il faut du fric. Je n’ai plus envie de camper, et les hôtels sont chers. Tout est cher. Et puis j’étais prise dans mes bouquins aussi.
Je n’ai jamais été en Chine, et j’aurais beaucoup aimé. Je ne suis pas allée en Russie non plus. A l’origine pour mon tour du monde, je voulais aller y aller et refaire le voyage de Michel Strogoff : partir de Moscou et aller jusqu’à Irkoutsk. Alors j’étais allée à l’Ambassade Russe et un monsieur, qui je crois s’appelait Ayzanov, un attaché de presse, m’a reçu très poliment. Et quand je lui ai dit que je voulais faire ça à moto il m’a répondu « ah non ce n’est pas possible ». Je lui ai demandé pourquoi et il m’a répondu qu’il n’y avait pas de routes. Alors je lui ai affirmé que le Transsibérien passait par là et qu’il y avait bien une route d’entretien le long des rails. Il m’a répondu que ce n’était vraiment pas possible car il y avait des ours !”
Quelle était votre limite dans les voyages que vous entrepreniez ?
“J’avais une seule limite : c’était l’argent. Il faut dire que je partais à mes frais. J’empruntais des motos à cette époque-là, et des importateurs me prêtaient aussi du matériel. En revanche je ne me faisais payer par personne, notamment pour des reportages, afin d’être libre de mon information. Je regagnais en fait l’argent que j’avais dépensé en route en vendant des reportages au retour. Par exemple pour « Moto journal » ou « Moto revue », et en général le « Cosmopolitan ». J’avais également un contrat pour un livre donc ça me permettait de rentrer dans mes frais. De nos jours ça ne serait plus possible je crois, de travailler comme ça.”
Qu’avez-vous à dire sur l’image de la femme à moto à votre époque et de nos jours ?
“La fille féminine à moto à cette époque là, ça n’existait pas. Pour reprendre un exemple similaire à celui des trois motards dans le désert, un jour, je conduisais ma moto et un type m’a fait une queue de poisson. Je me suis avancée au feu pour lui dire ce que je pensais et il a ouvert sa fenêtre. En me voyant, il a été surpris et s’est retourné vers ses potes en disant « merde, un travelo ! ». Une fille à moto c’est toujours un peu exotique. Mais à l’époque il y avait également beaucoup de curiosité. Voir une femme seule parcourir le monde : ça ne pouvait pas faire peur. Il y avait même un devoir d’hospitalité et de respect envers la femme seule. Peut-être que ça a changé de nos jours.”
Tous les livres de voyages d’Anne-France Dautheville vont être mis en ligne l’année prochaine en bibliothèque de prêt. De quoi en connaitre plus sur l’aventure extraordinaire de cette motarde aguerrie.
3 réponses à Anne-France DAUTHEVILLE : femme motarde et voyageuse”
Falque Gilbert - 64 ans (Belgique)
2021-02-05T21:48:35+01:00J’ai eu le plaisir de vous lire en 1977, je viens de reprendre le livre et le redécouvrir
Je vous souhaite tout le bonheur possible et merci de m’avoir fait rêver
Je roule toujours…
François Pacou
2016-11-28T13:53:37+01:00Lire Anne France Dautheville fut mon premier apprentissage de la liberté. Merci encore.
Mortelec Philippe
2016-12-06T18:50:05+01:00Anne France,fenouil , Cyrille neveu,les raids orion et les premiers Dakar ont ouverts les yeux à nous jeune motard de l”époque…
Qu’il y avait quelque chose à voir au bout de la ligne d’horizons ,la liberté et la curiosité….ont vous aiment
Bonne route à tous