As-tu retrouvé Tango, ton compagnon à deux-roues ?
En effet, grand moment d’émotion pour moi. Après une longue attente, je découvre Tango, la petite Suzuki 250 Vstrom, couverte de poussière sous un hangar du port de Montevideo. Elle a fait un long voyage silencieux de cinq semaines dont deux à stationner sur le port de Malte, en attendant le providentiel navire qui l’emmènerait jusqu’ici. Le passage à la douane n’est qu’une formalité et c’est l’aventure qui démarre !
Direction Brésil ! Je quitte le delta du Rio de la Plata pour le bleu de l’atlantique, adios Montevidéo et sa rambla superbe, aux rythmes envoûtants du Candombe. De longues rangées d’eucalyptus parfument le voyage. En Uruguay, les motos bénéficient d’un passage gratuit au péage avec les salutations du garde-barrière. Je roule, quelle joie !
Comment se porte Tango ?
Test de la moto en charge, peaufinage du réglage des amortisseurs, je dévore d’interminables lignes droites à la vitesse moyenne de 80km/h, rythme qui semble convenir à l’équipage, première constatation : tout va bien !
Première étape, la réserve naturelle du Cabo Polonio et les superbes plages de la Paloma où se sont échoués quelques infortunés navires. J’imagine la surprise des naufragés arrivés dans ce paradis vierge… Les baleines longent la côte, suivant leur route migratoire, je plonge dans l’océan encore bien frais et suis accueilli par des vagues vigoureuses. Je suis comme un enfant sorti du ventre de mère nature, je me sens à la fois revigoré et apaisé. Il n’y a pas le moindre touriste à l’horizon. Tango sautille gaiement sur les pistes sablonneuses.
Peux-tu nous en dire plus sur l’Uruguay ?
La population d’Uruguay est concentrée dans la capitale. Le mythe de l’Uruguay, c’est le reste du pays : un vaste monde dévoué à l’élevage et à l’agriculture. Un monde que j’ai choisi de traverser. Je prends la direction de Minas, savoure quelques virages au milieu de la sierra, découvre la belle hospitalité de l’Uruguay des campagnes. Un art de vivre dans la nature, loin des tumultes de la ville.
Les routes deviennent cassantes, le bitume inexistant, les déviations nombreuses, j’arrive à des carrefours de nulle-part, battu par un terrible vent latéral qui soulève la poussière, je m’arrête souvent lorsque j’aperçois une rare silhouette pour demander la direction, il me faudra 9h de route pour rallier Minas à Mercedes, au bord du Rio Negro. C’est une ville agréable où j’ai pu faire de belles rencontres qui m’ont initié à leur joie de vivre, qui sied parfaitement à mon besoin de repos.
Quelle était la prochaine étape ?
Départ matinal pour Buenos-Aires, passage des eaux noires du Rio Negro, poste frontière, Bienvenida en Argentina ! Le changement d’échelle est flagrant. La sensation d’espace est palpable, immense, infinie.
Traversée de la région « Entre Rios » qui, comme son nom l’indique, est bordé de deux fleuves immenses provenant d’Amazonie : le Rio Parana et le Rio Uruguay. Des tatous, serpents et lézards titanesques passent entre mes roues, je réduis encore la vitesse, ce qui permet d’admirer plus encore les nombreux étangs jonchés d’oiseaux colorés.
Les stations services, pareille à des oasis dans l’immensité plane sont des lieux de ressource et aussi de rencontres.
L’arrivée à Buenos Aires par la route du Nord-Est sensationnelle, le trafic est dense et furieux, un peu comme à Rome, mieux vaut être dans le rythme !
Une astuce pour les voyageurs de passage, roulez le dimanche où le trafic est plus tranquille. C’est plus agréable de découvrir cette ville immense sur deux-roues. Tango excelle dans cet exercice, à croire que la ville est dans son ADN. Chaque feu rouge donne lieu à des départs en ligne, l’esprit de Fangio cours toujours !
Parle-nous de Buenos Aires ?
Buenos Aires est une ville chaleureuse, vivante, jour et nuit, sans relâche. Le temps s’y dissout, le rythme se fait nocturne, comme disent les porteńos, c’est une ville qui vous attrape ! Les bus collectivos, haut en couleur, foncent en klaxonnant dans les rues bondées, freinage de trappeur assuré à chaque arrêt.
C’est aussi la ville du tango. Et chaque soir, une trentaine de bals animent les nuits des amateurs d’abrazzos, de Carlos Gardel, d’Anibal Troïlo, d’Osvaldo Pugliese et autres maestros.
Quel est ton programme pour la suite ?
Le moment est venu de préparer la suite du voyage, la traversée de l’immense Pampa Argentine, jusqu’en Patagonie. De longues étapes propices à la méditation, jusqu’à l’arrivée des premiers virages aux confins de la Cordillère des Andes.